Sebastien Jean Marie SONNERY a été arrêté le 19 décembre 1943.
Cette page détaille ce qui s’est passé ce jour là.
Dans la matinée du dimanche 19 décembre 1943, environ 300 soldats allemands envahissent le village de Chamelet. Ils sont arrivés à bord de camions militaires allemands et d’au moins un véhicule blindé semi-chenillé. Vêtus d’uniformes vert clair, ils venaient de deux directions, les uns venant de Villfranche-sur-Saône et les autres de Lyon.
On ne sait pas s’ils ont incendié ou bombardé au mortier la petite grange du Cocon.
Il est cependant certain qu’ils savaient à l’avance quel était l’objectif de l’opération. La destruction de la grange du Cocon et de toute personne qui se cachait ou qui s’était cachée dans le bâtiment.
Cet objectif principal comprenait la capture et l’éradication du maquis qui, du point de vue des forces d’occupation, avait opéré sans entrave dans la région au cours des derniers mois. Quelqu’un à Chamelet savait où se cachaient maintenant ces « terroristes ».
Monsieur Paul COUTIER, Instituteur et secrétaire du Maire.
Monsieur Paul COUTIER était instituteur de l’école communale et secrétaire de la mairie. Il habitait l’un des appartements au-dessus de l’école et de la mairie. Madame Madeline FOREST et sa famille occupaient l’autre appartement. Elle était également institutrice. et avait été mutée de son domicile de Francheville à Chamelet en raison de ses convictions communistes.
Quand les gendarmes Claudius FARGE et Raymond VILDIEU, requis par le lieutenant MICHARD (Chef du Département de Recherche sur les Criminels de Guerre Ennemis) ont interrogé Monsieur COUTIER le 16 janvier 1945 à 14 heures , il leur raconta ce qu’il savait des événements du 19 décembre 1943.¹
Il décrit comment le village a été « envahi » vers 6h30 du matin par ce qu’il estime être 500 soldats allemands. Sans s’arrêter pour questionner, ni parler à qui que ce soit, ils attaquent le bâtiment de ferme isolé du Cocon, propriété de Monsieur CASABAN. Ce bâtiment était occupé jusqu’à très récemment par le maquis, sans qu’on sache si Monsieur COUTIER l’a su le matin du 19 décembre ou s’il en a été informé ultérieurement.
Les Allemands attaquèrent avec ce que Monsieur COUTIER qualifie de mortiers, détruisant le bâtiment et l’incendiant entièrement.
Le tumulte du bruit des mortiers et du grand nombre de troupes allemandes réveilla de nombreuses personnes dans le village.
REF 1
Madame Madeleine Forest-Phily, institutrice.
Madame FOREST, dont le récit est consigné dans le livre de Roger CHAVANET, raconte comment une mitrailleuse fut installée à l’extérieur de l’Église, et comment un officier allemand resté au Village avec des soldats vint à la Mairie, frappa bruyamment à la porte et exigea de savoir où se trouvait le maire de la commune.
Soit Madame FOREST, soit Monsieur COUTIER leur dirent qu’il n’était pas là et ils partirent à la recherche de sa maison.
Antoine LAFAY, Age 8, enfant de choeur
Le jeune Antoine était enfant de choeur à l’église catholique de Chamelet. Il devait effectuer les tâches d’enfant de choeur pour la messe qui commençait à 10 heures du matin. En quittant la maison, il vit des Allemands partout.
En repensant à cette journée, il est clair pour Antoine que s’il était devenu nécessaire pour son père de s’enfuir, ses efforts auraient été fous ; il n’aurait pas dépassé 100 mètres avant d’être abattu.
Antoine traversa la route avec son ami, un autre enfant de choeur, et gravit la colline. Tant de soldats allemands ! Étrangement, il n’avait pas peur, mais son ami avait peur. Son père avait été fait prisonnier en 1940, et peut-être que cela l’avait affecté, pensant qu’ils étaient également venus le chercher. Pour lui, « les Allemands étaient tous de mauvaises personnes ».
Ils arrivèrent à l’église ; il n’y avait que 3 ou 4 personnes pour la messe. Tout le temps, des Allemands entraient et sortaient de l’église pendant le service. Son ami Jean Baptiste RENARD restait pétrifié, tout comme le curé J. Barre. Leur anxiété n’a pas été apaisée lorsque les Allemands ont installé une mitrailleuse sur la place du village.
Charles CASABAN, Inspecteur d'Assurances
Charles CASABAN était un Inspecteur d’assurance qui travaillait à Tarare. Son père était propriétaire de la ferme du Cocon. Il fut interrogé en janvier 1946 par Jean COTTAREL, Gendarme en poste à TARARE, ainsi que Louis CORGIER qui vivait et travaillait dans la ferme du Cocon, propriété de Monsieur CASABAN à Chamelet.
Le dimanche 19 décembre 1943, peu après 8 heures du matin, Louis CORGIER était chez lui avec son épouse. Des policiers militaires allemands (Feldgendarmerie), faisant partie d’un contingent qu’il décrit comme comptant environ 300 autres soldats, sont venus chez lui et ont demandé à voir Monsieur CASABAN, propriétaire de la Grange Cocon. (3)
Le détachement de militaires comprenait un interprète armé d’une mitraillette. Il portait une casquette des troupes alpines et avait un brassard blanc.
Il y avait aussi un jeune homme en civil. Il avait environ 20 ans et parlait couramment le français. Monsieur CASABAN a reconnu cet homme ; il était passé devant la ferme le jeudi 16 précédent « sous prétexte de chercher du ravitaillement ». Lors de la rencontre, cet homme, que Monsieur CASABAN désigne dans sa déclaration comme « l’informateur », est resté dehors dans la cour.
Monsieur CASABAN savait que la grange, qui brûlait actuellement, était occupée jusqu’à récemment par le maquis. L’interprète a appris, vraisemblablement de « l’informateur », qu’ils s’étaient rendus à la ferme jeudi à la recherche de nourriture. Lorsque Monsieur CASABAN a tenté de prétendre qu’il pensait qu’il s’agissait de jeunes ouvriers, l’interprète s’est énervé.
Monsieur CASABAN avait été absent toute la semaine sauf jeudi et, en rentrant samedi, avait eu une brève conversation au passage avec le maire Jean Marie Sonnery (ils habitaient relativement près l’un de l’autre). Il a essayé d’assurer à l’interrogateur que M. Sonnery n’était pas au courant de la réunion de jeudi. Ils l’ont poussé et poussé avec cette question, voulant savoir où se trouvaient désormais ces soi-disants « jeunes travailleurs ». Ils ont menacé d’incendier sa maison et d’incendier la maison de Monsieur CORGIER.
Monsieur CASABAN a été contraint de se tenir face à un tas de paille, de dos aux agents armés, alors qu’ils interrogeaient Monsieur CORGIER et son épouse.
REF 4
Monsieur Louis Corgier - cultivateur - Le Cocon, Chamelet
Monsieur CORGIER ne pouvait ni identifier ni savoir où étaient basés les feldgendarmes qui le menaçaient et demanda où se cachaient actuellement les maquis. CORGIER a été battu et, alors qu’il était expulsé de chez lui, il a remarqué qu’un des Feldgendarmerie portait un brassard avec un numéro.
Tout au long de son calvaire, Monsieur CORGIER et Monsieur CASABAN ont été naturellement terrifiés. Le contingent a quitté la ferme peu de temps après, se rendant chez le Maire et emmenant avec lui Monsieur CASABAN.
REF 5
Madame Alice Adèle PFAENDER-SONNERY, La Chapelle, Chamelet
Vers 9h30 le même jour, Madame Alice SONNERY était chez elle avec son mari, Jean Marie, qui était Maire de Chamelet. Quatre soldats allemands en uniforme sont venus chez elle ; ils étaient accompagnés d’un interprète en civil et de Monsieur CASABAN du Cocon. (4)
Madame Sonnery décrit les militaires comme des Feldgendarmes disant qu’une des qualités du Maire de la Commune était de signaler ce qui se passait dans sa commune, qu’il devait donc être conscient que des terroristes se cachaient dans une grange au sein de la commune de Chamelet.
Il a été demandé à Jean Marie de confirmer s’il avait rencontré Monsieur CASABAN la veille, ce qu’il a fait. Les militaires ont alors inscrit quelques détails sur les papiers d’identité de CASABAN, en lui disant que si nécessaire, « ils pourraient le retrouver ». En partant, Monsieur CASABAN a constaté dans sa déclaration que c’était le jeune homme en civil qui interrogeait Monsieur le Maire. (RÉF 4)
Madame Sonnery raconta ensuite que Jean Marie ne répondait à aucune de leurs questions ; il ne voulait pas dénoncer les Français. La gendarmerie militaire allemande arrête Jean Marie le 19 décembre 1943 à 9h30.
Sans autre discussion, l’un des soldats l’accompagne jusqu’à sa chambre, où il lui dit de changer de vêtements, puis ils l’ont emmené. Madame Sonnery raconte que tout cela s’est passé en présence de Monsieur CASABAN, à qui on a dit qu’il recevrait des nouvelles de ce qui arriverait au Maire. Mais elle dit que Monsieur CASABAN n’a jamais reçu aucune information après l’arrestation de son mari.
Le Jour que mon mari ete arrêté j’ai vu une femme que je crois française et devait être l’Indicatrice, mais elle n’est pas rentrée a la maison et je ne peux vous donner des renseignements sur elle je ne la connais pas.
Alice SONNERY explique que le jour de l’arrestation de son mari, elle a vu une femme qu’elle croyait française et qui était censée être l’informatrice. Pourtant, la femme n’est pas venue chez elle et Madame SONNERY n’a pas pu expliquer davantage son identité.
REF 6
Paul COUTIER avait également évoqué une telle femme dans sa déclaration.
« D’aprés la rumeur publique cette opération était conduite par une femme française au cours des operations à indique domicile du Maire »
Monsieur Louis Corgier - cultivateur - Le Cocon, Chamelet
Vers 11 heures le même jour, Monsieur CASABAN revient chez Louis CORGIER et lui dit qu’il n’a pas été inquiété et que les Allemands ont arrêté Monsieur SONNERY, Maire de la Commune de Chamelet, pour ne pas avoir trahi la résistance.
REF 5
Antoine LAFAY, Age 8, enfant de choeur.
A peu près au même moment, la messe se termine, et alors qu’Antoine LAFAY et RENARD quittent l’église, ils voient 2 ou 3 voitures allemandes passer par les Halles en direction de l’endroit où avait vécu Monsieur Tholin. C’était au moment où ils emmenaient Monsieur SONNERY. Ils sont donc descendus jusqu’au point où nous pouvons voir la route et le convoi de camions allemands et d’une simple voiture.
Entre les soldats, il pouvait voir un homme en civil, dont il était presque sûr qu’il s’agissait de
Monsieur SONNERY qui était monté dans un des camions avec les militaires.
Il n’était pas rare que les Allemands prennent des otages et tentent de faire chanter le maquis. Ils prendraient plutôt un maire, un curé ou un autre membre important de la communauté du village.
C’était comme une monnaie d’échange. Monsieur SONNERY était une victime, mais il ne savait rien et n’avait rien vu concernant le maquis du Cocon. Il ne savait pas où se trouvait le maquis, alors il l’a payé de sa vie.
Antoine Lafay vous dirait aujourd’hui qu’il est à peu près sûr que les Allemands savaient que lui ne savait rien. S’ils étaient assurés qu’il le savait, ils l’auraient tué immédiatement ; il n’aurait pas été envoyé dans les camps.
RESOURCES:
Source de la photo d’en-tête :Section A dite du Bourg (ancienne section A et partie de l’ancienne section B) 1ère feuille (parties de l’ancienne feuille unique de la section A et de l’ancienne 2e feuille de la section B). Plan révisé pour 1938.04542, 5564W23Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon
Photo de Paul COURTIER : Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL VIA Geneviève Jacquet.
REF 1 : Seconde déclaration de Paul COUTIER 36 ans – Instituteur et secrétaire de mairie de Chamelet. 14h00 16 janvier 1945 à Claudius FARGE et Raymond VILDIEU, Gendarmes en poste à Le Bois d’Oingt Rhône.
REF 2 – Memoire de Madame Madeline FOREST-PHILY, extrait de « Histoire vécue des maquis de l’Azergues » Page 55 by Roger CHAVANET
REF 3 – Personal Interview of Monsieur Antoine LAFAY 3rd February 2022 by Martin BAKER, Le Gutty.
REF 4 – Déclaration de Charles CASABAN 55 ANS, inspecteur d’assurance, 10:00 27 janvier 1946 à Jean COTTAREL, Gendarme en poste à TARTARE Rhône.
REF 5 – Deux déclaration de Louis CORGIER, 58 ans, agriculteur, Le Cocon, Chamelet
La première 16:00 16 Janvier 1945 à Claudius FARGE et Raymond VILDIEU, Gendarmes en poste à Le Bois d’Oingt Rhône.
La seconde10:00 18 Janvier 1946 à René MERCEREAU et Pierre BROCHER Gendarmes en poste à Le Bois d’Oingt Rhône.
REF 6 : Déclaration de Madame Alice Adèle PFAENDER-SONNERY 51 ans- Agricultrice et épouse du maire de Chamelet. 13h00 16 Janvier 1945 by Claudius FARGE and Raymond VILDIEU, Gendarmes en poste à Le Bois d’Oingt Rhône.
Note du Procès Verbal, Chamelet 17 juillet 17 July 1943 – Source Archives Conseil Municipal Maire de Chamelet
NOTES:
MÉMORIAL DE L’OPPRESSION.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Mémorial de l’Oppression a été créé pour enquêter sur les crimes de guerre. Le Chef du Département de Recherche sur les Criminels de Guerre Ennemis est à l’initiative d’une telle enquête concernant la déportation de Sébastien Jean-Marie SONNERY, Maire de Chamelet, le 19 décembre 1943.
La Feldgendarmerie a mené l’enquête sur le terrain en deux phases. La phase finale se déroule entre août 1943 et février 1944.
Les notes finales et le rapport sont disponibles aux Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon. Réf 3808 W 877.
La plupart des faits de la chronologie et les passages des événements cités dans cette page sont extraits de ces rapports et sont référencés individuellement.
This post is also available in: English