The Écrivélo Files

Journeys Through War-Torn Europe by Bike.

Wilford L. Bollinger – L’Homme absent

L’une d’une série de chroniques et d’esquisses biographiques qui explorent la vie de celles et ceux qui se tiennent aux marges du récit relaté dans le livre Écrivélo.

Les personnes identifiées sur le cliché sont, au second plan, de gauche à droite : le lieutenant George W. Ambrose, Peter Roccia et Robert Redhair.
Au premier plan : second en partant de la gauche, George W. Henderson, suivi de Wilford L. Bollinger, Charles M. Wilson et, tout à droite, James J. Heddleston.

Dans la nuit du 27 au 28 avril 1944, le B-24 Worry Bird ne revint jamais de sa mission vers la zone de largage LACKEY 3A. L’appareil s’abattit dans les collines dominant la commune de Saint-Cyr-de-Valorges, dans le département de la Loire, au-dessus du village de Saint-Cyr-de-Valorges, et parmi les noms qui auraient dû figurer sur l’ultime liste d’équipage figurait celui du sergent d’état-major Wilford L. “Bill” Bollinger, alors Staff Sergeant, expert en opérations aéroportées clandestines.

Bollinger appartenait à l’équipage Ambrose, formé comme dispatcher — répartiteur de parachutage — et déjà aguerri aux rigueurs des missions d’approvisionnement secret. Dans le cours habituel des choses, il aurait occupé comme toujours son poste attitré à bord de l’appareil, au cœur de l’opération.

Et pourtant, il n’y était pas.

Les archives administratives qui ont survécu à la tourmente révèlent qu’il était souffrant, déclaré inapte au vol — probablement hospitalisé, voire déjà admis dans un établissement militaire. Sa place fut confiée au tout dernier moment au sergent Cyril Mooney, qui s’envola à sa place, chargé de la mission prévue pour lui.

Ce remplacement, presque insignifiant dans l’immense engrenage de la guerre, fit pourtant diverger deux destins opposés. Cyril Mooney partit vers les montagnes surplombant Saint-Cyr-de-Valorges ; Wilford L. Bollinger, lui, demeura au sol, retenu par la maladie.

Ce simple échange façonna deux issues que tout séparait : Mooney gagna les reliefs meurtris des hauteurs de la Loire ; Bollinger, lui, échappa au ciel tragique qui devait changer l’histoire.

The Story

Harrington — L’épopée Carpetbagger

Avant que la maladie ne l’écarte du ciel, Bollinger avait déjà accompli une période significative de service au cœur des unités secrètes stationnées à Harrington — désigné alors comme Station 179, haut lieu des groupes clandestins du 801st / 492nd Bomb Group, les légendaires Carpetbaggers.

Au sein de l’Ambrose Crew, il prit part à quatre missions nocturnes, dédiées au largage discret de matériel et de vivres aux mouvements de résistance dans la France occupée. La cinquième opération, celle qui devait les réunir une fois encore au-dessus de LACKEY 3A, eut lieu sans lui : terrassé par la maladie, Bollinger fut déclaré inapte au service, et son poste de répartiteur de parachutage fut confié au sergent Cyril Mooney, qui figura parmi les trois seuls survivants de cette nuit tragique à bord du Worry Bird.

Rétabli, Bollinger demeura dans le groupe et reprit bientôt son rôle dans l’ombre des opérations spéciales, accomplissant onze missions supplémentaires avec d’autres équipages, perpétuant le ballet feutré et périlleux des vols de nuit dédiés aux ravitaillements secrets.

Son passage à Harrington s’inscrit également à travers une succession ordonnée d’entrées administratives consignées dans les Special Orders de la Station 179 :

  • 11 mai 1944Mission temporaire à Ringway
    Pour une durée n’excédant pas sept jours. Ringway, centre névralgique britannique d’entraînement au parachutage et aux opérations spéciales, témoigne ici d’une période d’instruction approfondie ou de fonctions de liaison nécessitant une qualification spécialisée.
  • 1er juillet 1944Promotion au grade de Staff Sergeant
    Selon la réglementation AR 615-5, reconnaissance officielle de son expérience et des responsabilités qui lui incombaient dans le cadre particulier de ces opérations.
  • 15 juillet 1944Affectation temporaire à Leuchars
    Pour soixante jours, au sein de la base de Leuchars, en Écosse, un des principaux carrefours opérationnels rattachés au Air Transport Command, crucial pour les missions de transport aérien.
  • Début août 1944Transferts administratifs internes
    Les ordres sous références PAC TWX A-171-C et SO #473 HQ 8th Air Force attestent de son déplacement entre les escadrilles 850th et 857th Bomb Squadrons, témoignage des profondes restructurations internes affectant les unités Carpetbagger et groupes associés au cours de l’année 1944.

Enfin, le 15 juillet 1944, Bollinger fut formellement muté au sein de l’European Wing de l’Air Transport Command, clôturant ainsi la période Harrington et ouvrant un nouveau chapitre de sa carrière militaire en temps de guerre.

Parmi les hommes identifiés sur le cliché figurent : l’observateur Lester M. Schick (Observer), le pilote britannique Pritach (Pilote, Royaume-Uni), le mécanicien et ingénieur de bord William C. Jesperson (Engineer), le radio-navigant Albert L. Sage (Radio Operator), le navigateur Robert C. Durham (Navigator), le pilote de l’appareil David H. Schreiner (Pilot), l’artilleur Albert L. Krasevac (Gunner), ainsi que le mitrailleur Neil G. Richards (Gunner), accompagnés de deux officiers américains et deux officiers britanniques, demeurés non identifiés, ainsi que de deux officiers du Royaume-Uni et deux officiers britanniques, également non identifiés.
Au second plan, Wilford L. Bollinger (Dispatcher) se distingue : il est le quatrième en partant de la gauche, au dernier rang.

Après Harrington — Une autre guerre

La suite du service de Bollinger l’intégra au détachement du Air Transport Command placé sous l’autorité du colonel Bernt Balchen, opérant depuis la base de Leuchars, en Écosse. Il s’agissait de missions murmurées plus que consignées : des vols délibérément discrets, effectués le plus souvent à bord d’appareils peints d’un gris civil, sans insigne ni éclat militaire, et officiellement destinés au transport de cargaisons industrielles. En vérité, ces soutes silencieuses abritaient fréquemment des agents de la résistance, des documents de renseignement, ou d’autres chargements que l’histoire ne nomma jamais tout haut.

Si les de Havilland Mosquito furent parfois employés au sein du détachement, Bollinger, pour sa part, ne joua aucun rôle opérationnel lié à leurs sorties.

L’épisode le plus marquant de son parcours survint le 20 septembre 1944, lors d’une mission de ravitaillement destinée à la résistance norvégienne. Le largage accompli, l’avion fut soudain trahi par ses propres entrailles : une avarie moteurle contraignit à dérouter vers Mourmansk. Volant à basse altitude, il longea sans le savoir l’ombre d’un titan d’acier, le cuirassé soviétique Arkhangelsk, alors amarré dans les eaux arctiques. Pris pour un appareil ennemi, l’avion fut criblé d’obus par les batteries du navire.

Le pilote, le lieutenant-colonel Allen, tomba, foudroyé. Bollinger et l’équipage survivant se livrèrent au seul recours qu’il leur restait : le parachute. Descendus dans la nuit polaire, ils furent internés deux semaines par les autorités soviétiques avant d’être finalement rapatriés. Leur retour se fit par la mer, via la Royal Navy, puis par les Shetland et les Shetland Isles, avant de regagner le sol allié par les Shetland Isles et les détroits qui les séparent du continent.

Enfin, Bollinger revint au monde libre par les îles Shetland, escorté par la mer du Nord, selon les voies maritimes assurées par la Royal Navy.

Bollinger survécut à la guerre.

Sources et références

  • Special Orders, Station 179 (Harrington), mai–août 1944 — affectations temporaires, promotions et transferts concernant W. L. Bollinger.

  • Registres d’équipage et résumés de participation aux missions du 801st/492nd Bomb Group, dits Carpetbaggers, incluant les rosters et les comptes rendus d’engagement opérationnel.

  • Archives de l’European Wing, Air Transport Command — notamment les opérations menées depuis Leuchars, sous le commandement du colonel Bernt Balchen.

  • Rapports officiels et documents d’analyse relatifs à l’incident de Mourmansk, survenu le 20 septembre 1944, parfois désigné comme l’incident de l’Arkhangelsk.

  • Documents de mission du B-24 Worry Bird, couvrant la nuit du 27 au 28 avril 1944, attestant de l’absence pour maladie de W. L. Bollinger et de son remplacement in extremis par le sergent Cyril Mooney.

  • Dossiers de recherche privés : journaux de vols, relevés de personnel, notes biographiques et correspondances afférentes à l’Ambrose crew, ainsi qu’aux activités conduites à Station 179 (Harrington) dans le cadre de l’approvisionnement clandestin de la résistance en France occupée.

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